Un jardin où s’épanouissent les gens debout

septembre - décembre 2023

Nous sommes en 1967. Le Général est au pouvoir et la jeunesse française aspire à plus de liberté et de reconnaissance. Elle ne tardera pas à le faire savoir. C’est alors qu’un ministre, celui de la Jeunesse et des Sports, François Missoffe, lance l’opération « mille-clubs ». L’idée est simple. Doter tout le pays de petits bâtiments de 150m2, livrés préfabriqués et en kit, dont le montage doit impérativement être assuré par les jeunes. L’initiative se développe et bientôt 2 300 « mille-clubs » permettent le développement des activités culturelles et associatives à destination des jeunes hommes et femmes. À Capdenac-Gare, un « mille-clubs » est un jour livré et devient le « centre d’animation culturelle » que des générations entières appelleront le « CAC », comme s’il s’agissait d’une balise connue de toutes et tous. À l’heure où vous lirez ces lignes, ce « mille-clubs » aura disparu. Après plus de 55 ans, le bâtiment devenu vétuste, était une passoire thermique. Une passoire tout court. Irréparable.

Nous sommes en 1996 et créons Derrière Le Hublot précisément au « CAC », le fameux « mille-clubs » de Capdenac. Dans ce « mille-clubs » sont nés nos rêves, nos espoirs, nos histoires, nos fêtes, nos amours, nos esprits libres et frondeurs parfois… Nous y avons forgé notre conviction profonde, et toujours d’actualité, que le contact avec les artistes et l’expérience sensible que procurent les œuvres sont indispensables pour garantir la dignité de chacun, l’épanouissement de soi, la rencontre avec l’altérité et l’égalité des sexes. Nous y avons rencontré une des plus belles pages de l’éducation populaire sur laquelle nous avons bâti une aventure associative émancipatrice, démocratique, généreuse et ouverte à tous. Nous y avons découvert la volonté d’agir et de rester debout.

Cette ambition d’agir et rester debout se déploie dans le quotidien de Derrière Le Hublot, avec le souci de la transmission comme en témoigne l’accueil prochain de deux jeunes professionnelles en stage et en alternance ; avec la prise en considération des enjeux climatiques et la nécessaire réinvention de notre travail ; avec la recherche de l’équilibre femme / homme dans la programmation en 2023 (50% de femmes et 50% d’hommes parmi les directrices et directeurs artistiques accueillis, 100% des compagnies en résidence longue de création sont dirigées par des femmes).

Cette ambition se déploie également au travers de projets à nul autre pareil que nous avons la fierté d’accompagner et porter quotidiennement.

L’un, le Service d’art à domicile, s’invente avec celles et ceux qui maintiennent à la vie, tous les jours, dans le secret des maisons. Avec les aides à domicile et les artistes s’inventent des moments poétiques et d’étonnement pour rompre l’isolement et accompagner le bien vieillir au pays. Aventure singulière, le Service d’art à domicile est un souffle de vie, promis à un bel avenir sur d’autres territoires que le nôtre, nous en reparlerons…

L’autre, Fenêtres sur le paysage, est désormais une action phare dont le potentiel est immense. Dans une logique d’exemplarité de microarchitecture frugale et respectueuse de son environnement, nous participons là, autant à l’invention d’un patrimoine de demain, qu’à réveiller les imaginaires pour lutter contre les défis climatiques. La qualité des œuvres produites ne cesse d’être saluée – par les habitants comme par la presse nationale – attestant de la grande force du projet et d’un remarquable travail d’équipe partagé avec de très nombreux partenaires des territoires ruraux du GR©65.

D’autres projets s’imaginent encore ici. Cette plaquette vous les raconte et vous y invite. Mais une histoire singulière, nourrie du fracas du monde et de l’époque, s’invente dans la plus grande discrétion. Vous n’en saurez rien avant son surgissement impromptu qui régale par avance toute l’équipe mobilisée pour vous surprendre…

Derrière Le Hublot est né de cette aventure féconde des « mille-clubs » et ne l’oublie pas. Nous sommes en 2023, demain, une fois enlevée la vieille dalle de béton qui accueillait le petit bâtiment préfabriqué rouge et gris, un jardin apparaitra. Un espace de nature gagné sur le goudron. Un jardin dont l’avenir a besoin. Surtout s’il s’agit d’un jardin sauvage, un tiers paysage, indompté, insoumis, où souffle un vent de liberté… Un jardin dans lequel naissent les utopies et s’épanouissent les gens debout. L’avenir a besoin de gens debout… Nous en serons !

Fred Sancère – directeur de Derrière Le Hublot

 

 

Photographie : © Eric Petit