Nous avons grandi pour construire et prendre part au monde

mai - juillet 2024

Derrière Le Hublot a 28 ans.
Nous sommes le fruit d’une humanité vibrante, en mouvement.
Nous sommes arrivés à l’âge adulte et ce n’est pas pour renoncer.
Rien ne nous arrêtera plus !

Dans ce monde sens dessus-dessous, ce monde qui s’effiloche, dans lequel il est désormais nécessaire de lutter sans cesse pour conserver d’indispensables parts de service public et quelques libertés essentielles, dans lequel des pans entiers de la population assument, quand d’autres subissent violemment, la séparation du reste de la société, dans lequel les périls environnementaux et climatiques menacent jusqu’à l’existence même de la vie sur terre, nous ne pouvons sûrement plus faire comme avant et envisager nos façons de faire comme si rien de rien n’était.

À notre mesure, dans l’espace qui est le nôtre et avec nos moyens, nous imaginons avec les artistes de nouvelles attentions et de nouvelles solidarités, d’autres façons de prendre soin et de regarder devant et autour de soi. Nous cherchons de quelles façons nos aventures peuvent infléchir des trajectoires. De quelles façons notre chemin peut contribuer aux débats du monde.

Parmi les histoires marquantes développées par Derrière Le Hublot ces dernières années, deux s’affirment comme les clés de voute du projet tout autant que les balises d’une démarche désormais éprouvée. De Fenêtres sur le paysage et la création d’une collection d’œuvres d’art refuges qui se développe à ce jour sur plus de 850km en France, au Service d’art à domicile et la création de rencontres artistiques, aussi intimes qu’essentielles, au foyer des bénéficiaires de l’aide à domicile, ce que fabrique ici Derrière Le Hublot témoigne d’une certaine manière de penser et concevoir les projets artistiques et culturels aujourd’hui.

Dans les deux cas, bien que les projets soient différents en tous points (de l’échelle territoriale aux modalités de rencontre avec les publics, des disciplines artistiques aux manières de « faire avec » les communautés présentes), une seule méthode a prévalu. Une seule boussole. Celle qui prend le plus puissamment possible le pouls du monde. Celle qui implique de prendre le temps de comprendre la singularité de chaque situation, de découvrir chaque contexte, de laisser leur place aux intuitions et de tenter par tous les moyens et le plus justement possible de partager celles-ci avec celles et ceux qui sont là. Ce qui se fabrique alors est une forme d’artisanat, un artisanat d’art probablement. C’est une tentative sans cesse remise sur le métier de fabriquer des situations et des invitations sur-mesure, afin que la liberté des artistes puisse pleinement s’orchestrer et que les publics ne cessent jamais de s’étonner.

Nous sommes nés d’un rêve, de l’élan de l’éducation populaire, du bouillonnement de nos années 90, des cultures antiautoritaires, de l’indiscipline du punk et du théâtre de rue, nous étions le feu, libres et amoureux des artistes et des promesses de déséquilibre, nous formions une humanité vibrante, en mouvement, rien ne pouvait plus nous arrêter.

Nourris par des générations qui, avant nous, avaient imaginé, défriché, construit des mondes, et qui avaient tenté par tous les moyens de donner la plus grande valeur à nos ambitions, nous avons grandi avec l’idée que ce que nous faisions participerait d’un service public, au même titre que l’éducation, la justice, la protection sociale. Aussi indispensables à notre vie collective que « l’eau, le gaz et l’électricité » avait prophétisé Jean Vilar alors directeur du Théâtre National Populaire.

Fred Sancère

 

« Agis dans ton lieu, pense avec le monde.
Ton lieu est incontournable. […]
Ce que tu perçois de la beauté du monde, t’engage dans ton lieu.
Ce que tu estimes de la beauté menacée du monde, donne direction à ton geste et à ta voix. »

Édouard Glissant, philosophie de la relation

 

 

Photographie :  Foco alAire, LOStheULTRAMAR © Pierre Planchenault