Rencontre trois participantes du Service d’art à domicile

© Rafael Flichman

Claudine Olivier, 83 ans, Anne Gibergues auxiliaire de vie sociale de l’ADMR du Pays de Capdenac et Cécile Grassin, chorégraphe répondent à trois questions pour mieux comprendre les enjeux du Service d’art à domicile imaginé par Derrière Le Hublot.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de participer au Service d’art à domicile ?

Anne Gibergues : je connaissais Derrière Le Hublot et j’ai toujours pris du plaisir à voyager dans les spectacles proposés. J’ai eu envie de faire découvrir l’association aux personnes aidées, proposer quelque chose de nouveau dans le travail, partager autre chose dans le quotidien. Et découvrir ensemble une pratique artistique, ça amène une parenthèse, c’est une aventure qu’on vit à trois. Pour moi c’est quelque chose que j’amène en plus dans mon travail pour sortir de l’isolement de la personne. Par notre présence, on coupe l’isolement, mais on est quand même isolées toutes les deux ! Donc le fait qu’un artiste se joigne à l’intervention, ça amène un nouveau souffle, un partage.

Claudine Olivier : ça change de la routine ! On ne rencontre pas des artistes tous les jours à la maison. Et ça nous aide à ne pas être seule. La solitude c’est lourd à porter. J’aime découvrir de nouvelles choses, je suis très curieuse et le Service d’art à domicile m’offre la possibilité de l’émotion, de la découverte.

Cécile Grassin : j’ai reçu un coup de fil de Fred Sancère. J’ai tout de suite dit oui même si après j’ai un peu flippé ! Moi je fais de la danse contemporaine et souvent je suis frustrée car dans les spectateurs il y a beaucoup de gens qui sont déjà sensibles à la danse contemporaine. Et je suis très heureuse quand on s’adresse à un public qui en voit pour la première fois. Faire de la danse pour des gens déjà intéressés par la danse, au bout d’un moment j’y perds du sens.

Qu’est-ce que ça change pour vous dans le quotidien ?

Cécile : c’était un moment très fort la rencontre avec les hôtes. Humainement et artistiquement. Et ça m’a permis de découvrir que la frontière est très floue entre ce qui est de l’ordre de mon métier et ce qui est de l’ordre de ce que je suis humainement en tant que personne. Et d’accepter que l’art et la relation humaine sont deux choses qui se touchent, qui se rejoignent. Dans ma pratique, ça m’a convaincu que j’aime déplacer l’art des lieux qui lui sont habituellement dédiés.

Claudine : beaucoup de choses ! Des échanges d’abord et on y repense entre les rendez-vous, ça me motive car après tout on s’intéresse à nous, c’est valorisant. Ce n’est pas que le moment de la rencontre, c’est l’avant et l’après. J’aurais aimé que ça arrive plus tôt dans ma vie ! Parfois, si j’ai un coup de blues, j’y repense et ça fait du bien ! J’ai passé de très bons moments dans ces rencontres et y repenser ça me porte.

Anne : les artistes s’intéressent aux personnes accompagnées et à notre métier. Le Service d’art à domicile permet d’avoir un nouveau regard sur la personne aidée, car on la voit dans des situations différentes. Permettre ces rencontres, c’est prendre soin des personnes autrement. On a quelque chose de plus en commun et ça donne une autre dimension à notre relation, à notre accompagnement. Et pour moi ça me donne un nouvel élan dans ma pratique professionnelle, y compris en dehors des temps de rencontres artistiques.

Le recommanderiez-vous à votre entourage ?

Claudine : je conseille à mon entourage d’en faire autant. Quand j’ai su que c’était un dessinateur qui venait, j’étais réticente, j’étais même sceptique car je ne voulais pas dessiner. Mais c’est vraiment un artiste et j’ai beaucoup apprécié l’échange. On a pu parler de mon lion, que Clément Gy connaissait très bien. Mon lion, c’est un peu de mes origines, c’est le lion de Belfort. Et il l’a dessiné pour moi. Depuis il est là, encadré dans ma cuisine, il veille sur moi.

Anne : voir les personnes aidées, être entendues, être heureuses, ça propose une nouvelle corde dans notre travail. C’est un petit plus de pouvoir leur présenter un artiste. Ils sont réellement à l’écoute et s’adaptent aux différentes situations. C’est important dans notre relation avec la personne aidée. Certaines expériences vécues nous permettent de reproduire des gestes ou des attitudes, ça m’a donné des idées pour l’expression corporelle, des choses assez basiques, mais présentées par une chorégraphe, c’est différent. Et on en reparle avec certains, on refait les mouvements.

Cécile : je dirais : « Le Service d’art à domicile est vertigineux, mais essaye-le ! » J’aime bien comparer ce projet à un travail de funambule. J’ai l’impression que quand on est dedans, on doit avoir le courage d’aller sur le fil, se lancer comme l’équilibriste, je vais vivre un truc avec cette personne chez elle, si je n’y vais pas, il ne se passe rien, donc je suis obligée d’avancer sur le fil, mais on manque un peu de se casser la gueule si on n’est pas assez à l’écoute, on se prend des vents. Et parfois les moments sont magnifiques. On rate beaucoup mais les ratés font partie de la beauté de cette expérience. L’écriture savante et complexe pensée au préalable par les chercheurs de vives voies créée un cadre rassurant et exigeant. Accompagné du temps de résidence et de travail collectif, tout cela rend l’expérience exceptionnelle.  

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